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samedi 15 janvier 2011

International - La mort d'Holbrooke affecte la stratégie afghane d'Obama

Richard Holbrooke,lors d'un déplacement au Pakistan, en juin 2009.

Richard Holbrooke,lors d'un déplacement au Pakistan, en juin 2009.
Crédits photo : FAISAL MAHMOOD/REUTERS

Le diplomate américain avait fait ses preuves au Vietnam et dans les Balkans.?


Ses derniers mots auront été pour l'Afghanistan. Tandis que son chirurgien d'origine pakistanaise l'endormait ce vendredi à Washington pour une opération qui devait durer 21?heures, mais qui ne sauverait pas sa vie, Richard Holbrooke, 69 ans, figure emblématique de la diplomatie américaine, lui a dit?: ?Vous devez arrêter la guerre en Afghanistan.?
C'était la tache à laquelle il s'était lui-même attelé en tant qu'émissaire spécial du président Obama, en charge du volet civil de l'opération de contre-insurrection. Mais, après deux ans d'efforts et de navettes épuisantes entre les montagnes afghanes, les centres de pouvoir de Kaboul, d'Islamabad et toutes les autres capitales impliquées dans le dossier, ce grand diplomate américain s'est éteint, lundi soir, victime d'un trou dans l'aorte, avant d'avoir achevé sa tache herculéenne.

Un ?géant?, selon Obama

Sa disparition laisse un vide béant sur le versant le plus complexe de la stratégie de contre-insurrection défendue par les Américains en Afghanistan. Tandis que les militaires engrangeaient des succès militaires tactiques, Holbrooke était chargé de superviser l'aide à la reconstruction du pays, condition sine qua non d'une vraie stabilisation à long terme. Il était en première ligne, avec l'ambassadeur américain, Karl Eikenberry, pour mettre le président afghan, Hamid Karza?, face à ses responsabilités et le forcer à lutter contre la corruption endémique de son gouvernement. Il était aussi le chef d'orchestre de la stratégie régionale de sortie du conflit, notamment pour négocier les programmes d'aide économique américaine en faveur du Pakistan, afin de rendre ce partenaire plus fiable.
Sa manière peu diplomatique de secouer ses interlocuteurs, une certaine arrogance avaient créé de vives tensions avec les dirigeants afghans, pakistanais, mais aussi avec les militaires américains. Mais sa longue expérience des conflits, son énergie et son charme manqueront à Barack Obama et à Hillary Clinton dans une région à hauts risques. ?Il ne s'arrête jamais, il ne renonce jamais, car il a toujours cru que si nous restons concentrés, si nous agissons dans l'intérêt mutuel des parties… les guerres peuvent se terminer et la paix être forgée?, a noté lundi Barack Obama, qui a parlé de la disparition d'un ?géant de la diplomatie américaine?.
Né en 1941 de parents immigrés juifs allemands et polonais, Richard Holbrooke baigne dès l'enfance dans le milieu de la haute diplomatie, à travers l'amitié qui le lie à la famille Rusk, dont le père Dean deviendra secrétaire d'état de Kennedy et de Johnson. Dépêché pour l'agence de développement USAID sur le delta du Mékong dès son entrée dans le corps diplomatique en 1963, ce diplomate à la haute stature et au physique d'acteur se retrouve en première ligne sur un dossier qui va absorber l'Amérique pendant près d'une décennie. Les dépêches qu'il envoie de son poste le font très vite remarquer auprès de l'ambassadeur américain à Sa?gon, où il est muté. à peine trois ans plus tard, le jeune diplomate, à la plume littéraire et l'esprit aiguisés, rejoint l'équipe diplomatique de la Maison-Blanche sous Johnson, au moment où celui-ci s'engage dans le bourbier de la guerre au Vietnam. Une expérience qui le marquera à vie et le poussera à envisager les interventions militaires avec méfiance.

Heure de gloire à Dayton

Pour autant, le démocrate Richard Holbrooke n'aura jamais été une na?ve colombe, comprenant fort bien l'importance de mélanger la force et la diplomatie pour venir à bout des guerres les plus coriaces. Pendant les conflits de l'ex-Yougoslavie, il sera d'ailleurs l'un des plus grands détracteurs de la passivité occidentale, dénon?ant sans ménagement ?le plus grand échec collectif de l'Ouest depuis les années 1930?. Son heure de gloire vient en 1995 quand il négocie avec talent, à Dayton, la fin de la guerre en Bosnie et une paix complexe entre Serbes, Croates et Musulmans, au terme de la campagne aérienne de l'Otan.
à l'époque, ses ennemis dénoncent le fait qu'il se soit appuyé sur le principal responsable de la guerre, Slobodan Milosevic, durant les pourparlers. Mais Holbrooke le réaliste réplique qu'il n'a ?aucun état d'ame à parler avec des dirigeants amoraux?. ?Il a sauvé des milliers de vies?, notait lundi le sénateur John Kerry.
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